Les fondamentaux – Chapitre 1 – Histoire de l’imagerie médicale

F. Brunotte et P. Devred

L’histoire de l’imagerie médicale a à peine plus d’une centaine d’années (liste 1.1). Elle a comporté des va-et-vient permanents entre la physique, l’anatomie, la biologie, la chimie et les spécialités médicales qui soulignent son caractère profondément pluridisciplinaire. La liste des prix Nobel qui ont influencé cette spécialité est là pour en témoigner (liste 1.2).

Liste 1.1 – Sélection de quelques dates essentielles de l’évolution de l’imagerie

  • 1895 – W.C. Röntgen réalise la première image du squelette de la main de son épouse avec les rayons X
  • 1897 – Premier laboratoire de radiologie créé par A. Béclère à l’hôpital Tenon (Paris)
  • 1909 – Création par A. Béclère de la Société de radiologie médicale de Paris, devenue depuis Société française de radiologie en se séparant des physiciens : « Nul ne peut devenir un bon radiologiste sans être avant tout un bon clinicien »
  • 1914 – Début de l’utilisation des produits de contraste opaques aux rayons X à base de bismuth, potasse, baryum pour le tube digestif et de sels d’argent pour les voies urinaires
  • 1914–1918 – La radiologie contribue à la prise en charge des blessés au plus près des combats (voiturettes équipées à l’initiative de Marie Curie)
  • 1918 – W.E. Dandy réalise la première ventriculographie gazeuse par injection directe d’air dans les ventricules cérébraux
  • 1920 – Début de l’utilisation du thorium (Thorotrast) comme produit de contraste qui se révélera plus tard être responsable de cancers hépatiques du fait de la radioactivité alpha du thorium
  • 1921 – A. Bocage dépose le brevet du premier tomographe aux rayons X
  • 1923 – E.D. Osborne utilise l’iodure de sodium pour opacifier les voies urinaires
  • 1923 – G.C. de Hevesy introduit le concept de traceur en montrant l’intérêt du plomb 210 pour suivre le devenir du plomb dans les plantes
  • 1926 – H.L. Blumgart s’injecte du bismuth 214 dans une veine du bras et mesure la vitesse sanguine
  • 1927 – Introduction des dérivés iodés de la pyridone comme contraste pour l’urographie par M. Swick
  • 1928 – A.E. Moniz, à Lisbonne, publie les premières artériographies cérébrales à l’iodure de sodium par ponction carotidienne directe
  • 1929 – W. Forssmann s’introduit un cathéter dans une veine du bras et le pousse jusqu’au cœur et ouvre ainsi la voie de la radiologie vasculaire
  • 1932 – O. Chievitz et G.C. de Hevesy suivent le métabolisme du phosphore à l’aide du phosphore 32 chez le rat
  • 1936 – Inauguration à Hambourg du monument en l’honneur des pionniers de la radiologie victimes de cancers et de leucémies radio-induits : « à ceux qui ont sacrifié leur vie dans la lutte contre les maladies et ont été les pionniers d’une application féconde des rayons de Röntgen… immortelle est la gloire de ces morts »
  • 1937 – J.H. Lawrence utilise le phosphore 32 pour tenter de traiter une leucémie
  • 1946 – S.M. Seidlin traite des métastases d’un cancer thyroïdien par l’iode 131 (131I)
  • 1950 – B. Cassen introduit le premier dispositif d’imagerie par scintigraphie, le scanner rectilinéaire
  • 1952 – J.J. Wild, L. Leksell et I. Edler utilisent pour la première fois les ultrasons pour l’étude du cœur. S.I. Seldinger développe l’abord percutané des artères périphériques pour la radiologie vasculaire
  • 1957 – Invention de la gamma-caméra par H.O. Anger à Berkeley
  • 1958 – L’Anglais I. Donald réalise la première échographie de l’utérus
  • 1958 – W.D. Tucker et M.W. Greene décrivent le générateur de 99mTc au Brookhaven National Laboratory
  • 1960 – Premières embolisations de malformations vasculaires en neuroradiologie par S. Wallace, R. Djindjian et J.J. Merland
  • 1962 – Le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) en France est le deuxième client du générateur de technétium après Chicago
  • 1963 – D.E. Kuhl introduit la tomographie d’émission monophotonique
  • 1972 – L’Anglais G.N. Hounsfield et l’Américain A.M. Cormack inventent le scanner X
  • 1971–1973 – Les Américains R. Damadian et P.C. Lauterbur réalisent les premières images d’IRM
  • 1973 – M.E. Phelps et E.J. Hoffman introduisent le premier appareil de tomographie par émission de positons (TEP)
  • 1975 – Début de la diffusion de l’échographie médicale. A. Gruentzig crée le cathéter de dilatation vasculaire par ballonnet
  • 1976 – Premier scanner X installé en France (Marseille)
  • 1976 – A. Alavi injecte du fluorodésoxyglucose marqué au fluor 18 (18F-FDG) pour la première fois à un homme
  • 1980 – Commercialisation des premières IRM
  • 1983 – Premiers essais cliniques du DTPA-Gd comme agent de contraste en IRM
  • 1985 – Premières endoprothèses vasculaires (stent)
  • 2000 – T. Beyer et D.W. Townsend introduisent l’imagerie hybride couplant TEP et scanner X
  • 2010 – Introduction de l’imagerie couplant TEP et IRM
  • 2017 – Premières applications de l’intelligence artificielle susceptibles de se comparer à l’interprétation d’un spécialiste pour la détection d’anomalies sur des examens d’imagerie médicale

Liste 1.2 – Prix Nobel en lien avec l’imagerie

  • 1901 – W.C. Röntgen (Allemagne), physique, en reconnaissance des services extraordinaires qu’il a rendus en découvrant les remarquables rayons qui ont été nommés par la suite en son honneur
  • 1903 – A.H. Becquerel, P. Curie, M. Curie (France), physique, en témoignage des services extraordinaires rendus par la découverte de la radioactivité spontanée et les phénomènes radiatifs
  • 1911 – M. Curie (France), chimie, en reconnaissance des services pour l’avancement de la chimie par la découverte de nouveaux éléments : le radium (Ra) et le polonium (Po), par l’étude de leur nature et de leurs composés
  • 1935 – F. Joliot et I. Joliot-Curie (France), chimie en reconnaissance de la synthèse de nouveaux éléments radioactifs
  • 1943 – G.C. de Hevesy (Suède), chimie, pour son travail dans le domaine des traceurs radioactifs
  • 1944 – I.I. Rabi (États-Unis), physique pour sa méthode de résonance servant à enregistrer les propriétés magnétiques du noyau atomique
  • 1946 – H.J. Muller (États-Unis), physiologie et médecine, pour ses recherches sur les mutations induites par les rayons X
  • 1949 – A.E. Moniz (Portugal), physiologie et médecine, pour le développement de la leucotomie préfrontale (lobotomie) appliquée au traitement de certaines psychoses et troubles mentaux (inventeur de l’artériographie cérébrale)
  • 1952 – F. Bloch et E.M. Purcell (États-Unis), physique pour leur développement de nouvelles méthodes de mesures magnétiques nucléaires fines et les découvertes qui en ont découlé
  • 1956 – A.F. Cournand (États-Unis), W. Forssmann (Allemagne), D.W. Richards (États-Unis), physiologie et médecine pour leur découverte concernant le cathétérisme cardiaque et les changements pathologiques dans le système circulatoire
  • 1979 – A.M.Cormack (États-Unis), G.N. Hounsfield (Royaume-Uni), physiologie et médecine pour la production d’images tomographiques en imagerie par rayons X
  • 1991 – R.R. Ernst (Suisse), chimie pour ses contributions au développement de la méthodologie de la spectroscopie de la résonance magnétique nucléaire à haute définition
  • 1992 – G. Charpak (France), physique pour son invention et le développement de détecteurs de particules, en particulier la chambre « multifils »
  • 2003 – P.C. Lauterbur (États-Unis), P. Mansfield (Royaume-Uni), physiologie et médecine pour leurs découvertes concernant l’imagerie par résonance magnétique

Si les tout-débuts de son développement ont mis en danger médecins et patients en raison de la nocivité des rayons X, de certains produits de contraste comme le Thorotrast (produit de contraste à base de thorium, composé radioactif utilisé dans les années 1930–1940, qui s’est révélé par la suite cancérigène) ou de certaines techniques, l’imagerie permet aujourd’hui une approche morphologique et fonctionnelle remarquable du corps humain, le plus souvent de manière simple et sans risque.

Ces progrès ont changé l’approche des maladies. Prenons l’exemple du diagnostic des tumeurs cérébrales. L’arrivée des rayons X permit seulement de les mettre en évidence par l’intermédiaire de leur retentissement osseux ou des calcifications qu’elles contenaient. L’idée d’utiliser les agents de contraste apparut donc rapidement, d’abord par un contraste négatif grâce à l’injection d’air dans les espaces liquidiens du cerveau (douloureux), puis par injection de contraste dans les carotides sous anesthésie générale après dénudation chirurgicale de la carotide. En dépit de ses progrès, l’artériographie restait agressive et, à partir de 1950, la médecine nucléaire occupa le terrain de l’imagerie sans danger pour le patient avec la fluorescéine marquée à l’iode, le mercure -203 et surtout l’acide diéthylène triamine penta acétique (DTPA) marqué au technétium -99m (99mTc) qui régna comme la méthode de référence jusqu’au développement explosif du scanner (ou tomodensitométrie [TDM]) à partir de 1971. Depuis la fin des années 1980, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) avec le DTPA-gadolinium (Gd) est devenue la méthode de référence de l’imagerie des tumeurs cérébrales.

Ainsi, l’imagerie n’est pas figée et des techniques qui paraissaient incontournables comme l’urographie intraveineuse, les opacifications digestives, ou certaines scintigraphies ont presque disparu, remplacées par l’échographie, la TDM, l’IRM et de nouveaux radiopharmaceutiques en médecine nucléaire.

Chaque technique a ses domaines d’excellence : les ultrasons sont irremplaçables aujourd’hui dans le suivi des grossesses ou en cardiologie ; la TDM et l’IRM ont chacune leur place en neuroradiologie et dans l’ensemble de l’imagerie ; la médecine nucléaire s’est affirmée pour l’approche moléculaire des maladies et de leur traitement, etc.

 

Chapitre suivant
Retour au sommaire