Les fondamentaux – Chapitre 24 – Imagerie oto-rhino-laryngologique

S. Molière , S. Cahen-Riehm et R. Abgral

Plan du chapitre

  • Introduction
  • Imagerie de l’oreille et de l’os temporal
  • Imagerie cervicofaciale non oncologique
  • Imagerie morphologique des cancers des VADS
  • Imagerie moléculaire des cancers des VADS : TEP au 18F-FDG

Objectifs

  • Connaître les différentes modalités radiologiques utilisées en imagerie ORL.
  • Savoir quelles modalités radiologiques utiliser pour explorer les différentes régions de la sphère ORL (os temporal, massif facial, cou).
  • Connaître quelques éléments d’anatomie et de séméiologie normales en imagerie ORL.
  • Connaître quelques éléments séméiologiques pathologiques en imagerie ORL.
  • Connaître les principales indications de l’imagerie ORL.

Introduction

La sphère ORL correspond à trois régions anatomiques de l’extrémité céphalique :

  • l’os temporal et son contenu auquel on associe les angles pontocérébelleux ;
  • les sinus de la face et l’étage antérieur (os frontal et ethmoïde) et moyen (sphénoïde) de la base du crâne ;
  • la filière oro-pharyngo-laryngée qui s’étend du nasopharynx (rhinopharynx) jusqu’à la traversée cervicothoracique et inclut l’ensemble des espaces cervicaux.

L’imagerie de la sphère ORL fait appel à différentes modalités d’imagerie, dont les indications et les performances varient selon la région et les pathologies explorées (échographie, TDM, cone beam computed tomography [CBCT], IRM, TEP au 18F-FDG).

Imagerie de l’oreille et de l’os temporal

Technique

L’étude de l’os temporal et de la base du crâne repose sur deux techniques complémentaires d’imagerie en coupes : la TDM et l’IRM.

La TDM du rocher, réalisée sans injection de produit de contraste, en filtre osseux avec des coupes très fines (épaisseur < 0,6 mm), permet une analyse fine de l’os temporal, de ses cavités et des osselets. Elle permet des reconstructions dans les trois plans de l’espace (figures 24.1 et 24.2) – le plan du canal semi-circulaire latéral est le plan axial de référence –, des reconstructions dans le plan des différents osselets et selon le V ossiculaire, formé par la branche longue de l’incus (enclume) et le stapes (étrier).

Figure 24.1 TDM d'un rocher normal en coupe axiale dans le plan de référence (plan du canal semi-circulaire latéral). 1. Cellules mastoïdiennes ; 2. labyrinthe osseux : canal semi-circulaire latéral ; 3. labyrinthe osseux : canal semi-circulaire postérieur.
Figure 24.1
TDM d’un rocher normal en coupe axiale dans le plan de référence (plan du canal semi-circulaire latéral).
1. Cellules mastoïdiennes ; 2. labyrinthe osseux : canal semi-circulaire latéral ; 3. labyrinthe osseux : canal semi-circulaire postérieur.
Figure 24.2 TDM d'un rocher normal en coupe coronale. 1. Méat acoustique externe ; 2. récessus épitympanique de la cavité tympanique ; 3. incus ; 4. incus (incus et stapes formant le « V ossiculaire ») ; 5. labyrinthe osseux : vestibule ; 6. méat acoustique interne.
Figure 24.2
TDM d’un rocher normal en coupe coronale.
1. Méat acoustique externe ; 2. récessus épitympanique de la cavité tympanique ; 3. incus ; 4. incus (incus et stapes formant le « V ossiculaire ») ; 5. labyrinthe osseux : vestibule ; 6. méat acoustique interne.

L’IRM du rocher permet l’étude des cavités du rocher (asignal de la cavité tympanique normalement aérée, signal liquidien des cavités de l’oreille interne, signal variable de la mastoïde et de la pointe du rocher en fonction du degré de pneumatisation), du méat acoustique interne et des angles pontocérébelleux (figure 24.3). Elle inclut des séquences en pondération T1 avant et surtout après injection de gadolinium, des séquences tridimensionnelles à forte pondération T2 (dites « liquidiennes ») en haute résolution (épaisseur de coupe < 0,8 mm) et une séquence de diffusion.

Figure 24.3 IRM de l'angle pontocérébelleux en séquence « liquidienne » haute résolution. 1. Pont ; 2. LCS de la citerne prépontique ; 3. nerf facial (VII) ; 4. nerf vestibulocochléaire (VIII) ; 5. liquide périlymphatique du tour basal de la cochlée.
Figure 24.3
IRM de l’angle pontocérébelleux en séquence « liquidienne » haute résolution.
1. Pont ; 2. LCS de la citerne prépontique ; 3. nerf facial (VII) ; 4. nerf vestibulocochléaire (VIII) ; 5. liquide périlymphatique du tour basal de la cochlée.

Indications et éléments de séméiologie

Oreille externe et oreille moyenne

Ce sont des cavités aérées, dont les structures physiologiques (osselets) et pathologiques (comblements liquidien ou tissulaire) bénéficient d’un bon contraste spontané en TDM.

La TDM permet également l’étude des parois osseuses et des osselets grâce à une excellente résolution spatiale.

Les affections de l’oreille externe et de l’oreille moyenne sont généralement responsables d’une surdité de transmission. Nous distinguerons les pathologies aiguës et chroniques.

Pathologie aiguë

Une otite externe ou une otite moyenne aiguë ne justifient pas d’imagerie dans leur forme simple. En revanche, lorsqu’une complication endocrânienne d’une otite moyenne et/ou d’une mastoïdite est suspectée, la TDM ou, mieux, l’IRM permet de rechercher un abcès intracrânien, une thrombophlébite cérébrale, voire, sur l’IRM, des signes de méningite ou de labyrinthite (figure 24.4).

Figure 24.4 Céphalées fébriles chez un enfant de 5 ans : mastoïdite droite compliquée de thrombose du sinus latéral et d'abcès cérébelleux. A. La TDM du rocher montre un comblement des cellules mastoïdiennes droites (étoile) et de la cavité tympanique associée à une lyse osseuse de la corticale postérieure du rocher (flèche). B. L'IRM en séquence pondérée T1 après injection de gadolinium montre le comblement des cellules mastoïdiennes (étoile) et les complications endocrâniennes : thrombus au sein du sinus veineux latéral droit sous forme d'un défaut de rehaussement au sein du sinus (flèche) et abcès cérébelleux droit sous forme d'une collection intra-axiale avec prise de contraste périphérique (tête de flèche).
Figure 24.4
Céphalées fébriles chez un enfant de 5 ans : mastoïdite droite compliquée de thrombose du sinus latéral et d’abcès cérébelleux.
A. La TDM du rocher montre un comblement des cellules mastoïdiennes droites (étoile) et de la cavité tympanique associée à une lyse osseuse de la corticale postérieure du rocher (flèche). B. L’IRM en séquence pondérée T1 après injection de gadolinium montre le comblement des cellules mastoïdiennes (étoile) et les complications endocrâniennes : thrombus au sein du sinus veineux latéral droit sous forme d’un défaut de rehaussement au sein du sinus (flèche) et abcès cérébelleux droit sous forme d’une collection intra-axiale avec prise de contraste périphérique (tête de flèche).

La TDM et l’IRM permettent également de rechercher des signes d’ostéite dans le cadre d’une otite externe nécrosante (otite maligne externe), forme particulièrement grave d’otite externe survenant sur un terrain fragilisé (diabète, immunodépression, etc.).
La TEP au 18F-FDG peut apporter des informations complémentaires à l’imagerie morphologique pour le diagnostic d’ostéite (imagerie du métabolisme cellulaire).

Pathologie chronique

Devant une surdité de transmission associée ou non à un écoulement persistant, la TDM est l’examen d’imagerie de première intention. Cependant, elle n’est réalisée qu’après un examen ORL complet comprenant otoscopie et audiogramme ; l’aspect du tympan n’est pas correctement évaluable en TDM. L’examen clinique permet de différencier une surdité de transmission à tympan altéré (rétracté, perforé) d’une surdité de transmission à tympan normal.

Si, cliniquement, le tympan est anormal, on s’oriente le plus souvent vers une otite chronique, cholestéatomateuse (le tympan est le siège d’une perforation marginale et la cavité est colonisée par une masse de nature épidermique) ou non cholestéatomateuse (pas de perforation tympanique ou perforation non marginale, calcifications, etc.). La TDM permet de confirmer le diagnostic d’otite cholestéatomateuse ou d’otite non cholestéatomateuse (otite séromuqueuse, otite fibro-adhésive, tympanosclérose, etc.), et fait le bilan des destructions osseuses et ossiculaires avant un éventuel traitement chirurgical.

Si, cliniquement, le tympan est normal, la TDM permettra de rechercher une éventuelle malformation, des anomalies de la chaîne ossiculaire (malformations, traumatismes, etc.) ou une déminéralisation de l’os labyrinthique en avant de la platine du stapes dans le cadre d’une otospongiose.

L’IRM a des indications plus limitées dans l’exploration des cavités de l’oreille externe et moyenne (notamment bilan d’extension des processus tumoraux de voisinage). Elle est utile pour rechercher une récidive de cholestéatome après une chirurgie.

Oreille interne

L’oreille interne est incluse dans le labyrinthe osseux, dont les contours sont analysables à la TDM (voir figures 24.1 et 24.2).

La TDM est principalement indiquée pour analyser la morphologie du labyrinthe osseux : malformations, extension locale d’une tumeur, déminéralisation dans le cadre d’une otospongiose.

L’IRM permet d’analyser le contenu liquidien du labyrinthe (périlymphe et endolymphe), qui est en hypersignal en pondération T2, comme le LCS. Baignant dans ces milieux liquidiens, certaines structures neurosensorielles labyrinthiques et les nerfs du méat acoustique interne sont visibles en IRM (voir figure 24.3). Les voies auditives et vestibulaires du tronc cérébral et du cervelet sont également explorées en IRM.

L’IRM est l’examen de choix pour explorer des symptômes cochléovestibulaires (surdité de perception, acouphènes, vertiges) afin d’éliminer un neurinome du nerf vestibulocochléaire (VIII) (figure 24.5) et pour vérifier le signal des liquides de l’oreille interne (modifié en cas de labyrinthite). D’autres affections des voies auditives et vestibulaires, dans le cadre par exemple de maladies démyélinisantes, sont également recherchées.

Figure 24.5 Surdité gauche révélant un schwannome (ou neurinome) du nerf vestibulocochléaire. A. L'IRM des méats acoustiques internes en séquence pondérée T2 haute résolution permet de visualiser le « paquet » acousticofacial droit cheminant dans le méat acoustique interne et moulé par le LCS (tête de flèche), alors qu'à gauche le méat acoustique interne est comblé par une masse (étoile). Cette séquence permet aussi la visualisation des liquides de l'oreille interne, dont le signal est abaissé (plus gris) à gauche par le neurinome obstructif (flèche). B. Après injection de gadolinium sur une séquence pondérée T1, le schwannome se rehausse fortement (étoile).
Figure 24.5
Surdité gauche révélant un schwannome (ou neurinome) du nerf vestibulocochléaire.
A. L’IRM des méats acoustiques internes en séquence pondérée T2 haute résolution permet de visualiser le « paquet » acousticofacial droit cheminant dans le méat acoustique interne et moulé par le LCS (tête de flèche), alors qu’à gauche le méat acoustique interne est comblé par une masse (étoile). Cette séquence permet aussi la visualisation des liquides de l’oreille interne, dont le signal est abaissé (plus gris) à gauche par le neurinome obstructif (flèche). B. Après injection de gadolinium sur une séquence pondérée T1, le schwannome se rehausse fortement (étoile).

Traumatismes du rocher

Les traits de fracture peuvent atteindre toutes les cavités de l’oreille.

La TDM des rochers est réalisée en complément de la TDM cérébrale en présence de signes d’alerte (otorragie, surdité, paralysie faciale) après un traumatisme crânien sévère. Elle permet de localiser le trait de fracture et de classifier les fractures selon leur trajet et les régions atteintes (une atteinte de l’oreille interne est de moins bon pronostic). Elle permet aussi de rechercher une luxation ossiculaire, une atteinte du ganglion géniculé du nerf facial ; en cas de paralysie faciale, une incarcération du nerf facial nécessite une décompression chirurgicale en urgence (figure 24.6).

Figure 24.6 Fracture longitudinale du rocher gauche passant par la loge du ganglion géniculé avec paralysie faciale immédiate post-traumatique. CBCT en coupes axiale du rocher gauche : trait de fracture (flèches) de l'écaille du temporal passant par le ganglion géniculé (tête de flèche).
Figure 24.6
Fracture longitudinale du rocher gauche passant par la loge du ganglion géniculé avec paralysie faciale immédiate post-traumatique.
CBCT en coupes axiale du rocher gauche : trait de fracture (flèches) de l’écaille du temporal passant par le ganglion géniculé (tête de flèche).

La TDM est également indiquée devant un accès vertigineux survenant après un traumatisme, même mineur (gifle, effort de mouchage), pour rechercher une fistule périlymphatique.

Pathologie du nerf facial dans son trajet intrapétreux

Le trajet du nerf facial dans l’os temporal est composé de trois segments (labyrinthique, tympanique et mastoïdien). Il est analysable en TDM (qui visualise la paroi osseuse du canal facial) et en IRM. La paralysie faciale périphérique est le plus souvent idiopathique (a frigore) ; elle apparaît rapidement (en moins de 72 heures) et régresse spontanément dans les 3 mois. L’imagerie est indiquée si la paralysie faciale survient après un traumatisme ou si la présentation clinique est atypique (installation progressive ou association avec d’autres atteintes de nerfs crâniens, évolution défavorable), à la recherche d’une cause tumorale ou infectieuse.

Imagerie cervicofaciale non oncologique

Fosses nasales et sinus paranasaux

Les cavités sinusiennes de la face sont étudiées en première intention en CBCT avec un filtre osseux, incluant les apex des dents maxillaires (figure 24.7 et 24.8). Une sinusite aiguë simple ne nécessite pas d’imagerie : l’imagerie est envisagée en cas de dysfonctionnement nasonosinusien chronique (persistant plus de 3 mois) ou de complication d’une sinusite aiguë, parmi lesquelles notamment les complications orbitaires ou encéphaliques d’une ethmoïdite (figure 24.9).

Figure 24.7 TDM d'un massif facial normal en coupe coronale et en fenêtre osseuse. 1. Sinus maxillaire ; 2. méat moyen ; 3. cornet moyen ; 4. cornet inférieur ; 5. cellule ethmoïdale ; 6. orbite ; 7. gouttière olfactive (dans laquelle est localisé le bulbe olfactif).
Figure 24.7
TDM d’un massif facial normal en coupe coronale et en fenêtre osseuse.
1. Sinus maxillaire ; 2. méat moyen ; 3. cornet moyen ; 4. cornet inférieur ; 5. cellule ethmoïdale ; 6. orbite ; 7. gouttière olfactive (dans laquelle est localisé le bulbe olfactif).
Figure 24.8 TDM d'un massif facial normal en coupe axiale. 1. Cellule ethmoïdale ; 2. sinus sphénoïdal ; 3. lame papyracée ; 4. orbite.
Figure 24.8
TDM d’un massif facial normal en coupe axiale.
1. Cellule ethmoïdale ; 2. sinus sphénoïdal ; 3. lame papyracée ; 4. orbite.
Figure 24.9 Ethmoïdite droite compliquée d'un abcès sous-périosté extraconal de l'orbite chez un enfant de 12 ans. A. La TDM du massif facial en fenêtre osseuse met en évidence le comblement bilatéral des cellules ethmoïdales (étoiles). B. La TDM après injection en fenêtre tissus mous révèle une collection abcédée sous-périostée intra-orbitaire, mais extraconale (flèches) – c'est-à-dire située en dehors du cône musculaire de l'orbite – contenant une bulle de gaz (tête de flèche). À noter que la graisse orbitaire intraconale est légèrement infiltrée (plus blanche).
Figure 24.9
Ethmoïdite droite compliquée d’un abcès sous-périosté extraconal de l’orbite chez un enfant de 12 ans.
A. La TDM du massif facial en fenêtre osseuse met en évidence le comblement bilatéral des cellules ethmoïdales (étoiles). B. La TDM après injection en fenêtre tissus mous révèle une collection abcédée sous-périostée intra-orbitaire, mais extraconale (flèches) – c’est-à-dire située en dehors du cône musculaire de l’orbite – contenant une bulle de gaz (tête de flèche). À noter que la graisse orbitaire intraconale est légèrement infiltrée (plus blanche).

En cas d’obstruction nasale et/ou de sinusite chronique résistante à un traitement médical bien conduit (antibiotiques et corticoïdes) et après consultation ORL et endoscopie nasale, un CBCT est indiqué. Les principales causes sont la polypose nasosinusienne et la sinusite maxillaire « plus » avec obstruction du méat moyen par une pyocèle, un polype solitaire, un papillome inversé ou un aspergillome (moyen mnémotechnique « PPPA » pour Pyocèle, Polype solitaire, Papillome inversé, Aspergillome).

L’infection d’origine dentaire est la cause la plus fréquente de la sinusite antérieure ; elle doit être recherchée par CBCT dentosinusien (cone beam ou tomographie X à faisceau conique) en première intention (imagerie 7 fois moins irradiante et avec une meilleure définition que la TDM conventionnelle).

L’IRM de la face est un examen de seconde intention (pathologie infectieuse compliquée, mycotique ou tumorale des sinus de la face) dans le cadre des bilans d’extension et de la surveillance post-thérapeutique, en complément du CBCT ou de la TDM.

Traumatismes du massif facial

Les radiographies standard du massif facial ont une faible sensibilité et ne doivent plus être réalisées en cas de traumatisme, exception faite d’un traumatisme nasal isolé.

La TDM de l’ensemble du massif facial couvrant la mandibule permet une analyse fine, complète et en trois dimensions des fractures du massif facial.
Elle permet de classer les fractures selon la classification de Lefort et conforte le diagnostic de certaines urgences thérapeutiques : fracture du canal optique, du plancher de l’orbite avec incarcération musculaire (figure 24.10), complications endocrâniennes, brèche ostéoméningée.

Figure 24.10 Traumatisme contondant de l'orbite avec déficit de l'élévation du regard : fracture du plancher de l'orbite gauche par enfoncement (blow-in), avec incarcération du muscle droit inférieur au sein du foyer fracturaire. A. La TDM du massif facial en fenêtre osseuse met en évidence le trait de fracture du plancher de l'orbite (flèche). B. La fenêtre tissus mous met en évidence le muscle droit inférieur incarcéré dans le foyer de fracture à gauche, à comparer au côté droit normal (têtes de flèche).
Figure 24.10
Traumatisme contondant de l’orbite avec déficit de l’élévation du regard : fracture du plancher de l’orbite gauche par enfoncement (blow-in), avec incarcération du muscle droit inférieur au sein du foyer fracturaire.
A. La TDM du massif facial en fenêtre osseuse met en évidence le trait de fracture du plancher de l’orbite (flèche). B. La fenêtre tissus mous met en évidence le muscle droit inférieur incarcéré dans le foyer de fracture à gauche, à comparer au côté droit normal (têtes de flèche).

Elle peut objectiver une fracture de la mandibule (les fractures ouvertes des portions dentées de la mandibule doivent être traitées en urgence) et/ou de l’articulation temporomandibulaire.

Des reconstructions dans les trois plans de l’espace et en rendu volumique permettent la planification chirurgicale.

Glandes salivaires

Les glandes salivaires sont explorées en échographie en première intention. En cas de tuméfaction d’une glande salivaire, l’échographie permet d’identifier s’il existe un calcul bloquant l’écoulement de la salive. Si l’obstacle n’est pas certain en échographie ou si une tumeur des glandes salivaires est suspectée, une IRM est réalisée. La séquence de sialo-IRM est une séquence à fort contraste liquidien, en haute résolution, montrant les canaux intraglandulaires normaux ou dilatés. Cette séquence est indiquée dans la pathologie obstructive ou inflammatoire comme une excellente alternative non invasive à la sialographie (opacification par cathétérisme des canaux salivaires). Les séquences morphologiques classiques (écho de spin T1, T2, post-gadolinium) et fonctionnelles (imagerie de perfusion et de diffusion) sont utiles au diagnostic de nature et d’extension des lésions tumorales salivaires.

La scintigraphie des glandes salivaires peut conforter le diagnostic d’hyposialie par analyse dynamique de sécrétion du médicament radiopharmaceutique (MRP).

Pathologie non tumorale des voies aérodigestives supérieures (VADS)

La filière viscérale pharyngolaryngée ainsi que les vaisseaux et nœuds lymphatiques du cou sont étudiés en TDM avec un filtre adapté aux parties molles.
Une TDM avec injection de produit de contraste est utile en cas de suspicion d’abcès cervical profond ou devant des signes de cellulite extensive. L’imagerie permet de rechercher le site de l’infection et ses limites anatomiques pour guider le drainage chirurgical.

En cas de cellulite cervicale extensive, une TDM thoracique complémentaire est indiquée pour rechercher une médiastinite associée (en raison d’une communication anatomique entre les espaces cervicaux rétropharyngés et le médiastin).

Thyroïde

La thyroïde est explorée par échographie en première intention, pour caractériser un nodule ou rechercher des signes de thyroïdite (voir chapitre 30).

Imagerie morphologique des cancers des VADS

Techniques

L’imagerie oncologique des VADS repose en première intention sur la TDM avec injection de produit de contraste. Certaines manœuvres sont utilisées pour sensibiliser l’examen, comme la phonation (étude de l’étage glottique, figure 24.11) ou la manœuvre de Valsalva, qui consiste à prendre une grande inspiration tout en se bouchant le nez et en fermant la bouche pour empêcher l’air de sortir et obtenir une augmentation de la pression dans les VADS (étude du laryngopharynx, figure 24.12).

Figure 24.11 Carcinome de la corde vocale gauche. TDM injectée en coupe axiale centrée sur l'étage glottique. Épaississement tumoral irrégulier rehaussé par le contraste de l'ensemble de la corde vocale gauche (flèche) avec extension à la commissure antérieure (tête de flèche).
Figure 24.11
Carcinome de la corde vocale gauche.
TDM injectée en coupe axiale centrée sur l’étage glottique. Épaississement tumoral irrégulier rehaussé par le contraste de l’ensemble de la corde vocale gauche (flèche) avec extension à la commissure antérieure (tête de flèche).
Figure 24.12 Carcinome épidermoïde du sinus piriforme gauche. TDM injectée en coupe axiale centrée sur les sinus piriformes. Formation tumorale des parois du sinus piriforme gauche (flèches) rehaussée par le produit de contraste ; volumineuse adénopathie jugulocarotidienne homolatérale nécrotique en rupture capsulaire (étoile) englobant la veine jugulaire gauche thrombosée (tête de flèche).
Figure 24.12
Carcinome épidermoïde du sinus piriforme gauche.
TDM injectée en coupe axiale centrée sur les sinus piriformes. Formation tumorale des parois du sinus piriforme gauche (flèches) rehaussée par le produit de contraste ; volumineuse adénopathie jugulocarotidienne homolatérale nécrotique en rupture capsulaire (étoile) englobant la veine jugulaire gauche thrombosée (tête de flèche).

L’étude de certaines régions anatomiques (cavité orale, oropharynx, nasopharynx) bénéficie particulièrement de l’excellente résolution en contraste de l’IRM (figure 24.13).

Figure 24.13 Adénocarcinome de l'ethmoïde gauche. IRM en séquence coronales T2 (A) et T1 avec suppression de graisse après injection intraveineuse de gadolinium. B. Masse tumorale ethmoïdale gauche de signal tissulaire (étoiles) (hypo-intense T2 (A), globalement rehaussée après injection de gadolinium (B).
Figure 24.13
Adénocarcinome de l’ethmoïde gauche.
IRM en séquence coronales T2 (A) et T1 avec suppression de graisse après injection intraveineuse de gadolinium. B. Masse tumorale ethmoïdale gauche de signal tissulaire (étoiles) (hypo-intense T2 (A), globalement rehaussée après injection de gadolinium (B).

Indications

L’imagerie cervicofaciale par TDM et, éventuellement, par IRM permet de préciser l’extension locale d’une tumeur ORL (stade « T » de la classification tumour, node, metastasis [TNM]), de rechercher des contre-indications opératoires (envahissement circonférentiel de l’axe carotidien, envahissement osseux de la base du crâne ou intracrânien), d’évaluer l’extension lymphatique cervicale (figure 24.14).

Figure 24.14 Bilan d'extension d'une tumeur du nasopharynx. A. L'IRM à l'étage des fosses nasales montre une masse du nasopharynx (étoile) infiltrant à gauche les espaces parapharyngés et les muscles prévertébraux. B. À l'étage oropharyngé, on met en évidence de volumineuses adénopathies latérocervicales et rétropharyngées (flèches).
Figure 24.14
Bilan d’extension d’une tumeur du nasopharynx.
A. L’IRM à l’étage des fosses nasales montre une masse du nasopharynx (étoile) infiltrant à gauche les espaces parapharyngés et les muscles prévertébraux. B. À l’étage oropharyngé, on met en évidence de volumineuses adénopathies latérocervicales et rétropharyngées (flèches).

L’imagerie post-thérapeutique, réalisée entre 3 et 6 mois, permet la recherche d’un reliquat tumoral et sert de référence pour le suivi ultérieur. En cas de suspicion clinique de récidive, une TDM et/ou une IRM sont réalisées.

L’IRM de l’oropharynx et du nasopharynx est également indiquée, en complément de la TDM, dans le bilan d’une adénopathie cervicale sans primitif connu, à la recherche d’une petite lésion nasopharyngée, amygdalienne ou basilinguale. Dans le cadre des tumeurs du nasopharynx et des espaces profonds de la face, la TDM et l’IRM sont complémentaires. La fixité de ces régions, non soumises aux artefacts respiratoires, et l’excellente résolution en contraste et spatiale de l’IRM en font l’examen le plus adapté pour rechercher les extensions profondes et à la base du crâne.

Imagerie moléculaire des cancers des VADS : TEP au 18F-FDG

Généralités

La cellule de carcinome épidermoïde (95 % des cancers des VADS) est particulièrement hypermétabolique, ce qui fait de la TEP au 18F-FDG un examen de choix pour la caractérisation de ces tumeurs.

Une hyperfixation du traceur est pathologique lorsqu’elle est visuellement d’intensité supérieure à celle du bruit de fond physiologique et qu’elle n’est pas en rapport avec une cause de faux positif (inflammation post-thérapeutique, infection active intercurrente, etc.).

Sa localisation anatomique (étage des VADS, aire lymphatique, etc.), sa latéralité (gauche/droite), son caractère focal ou diffus doivent être spécifiés.

La quantification de l’intensité de fixation tumorale par la SUV (standard uptake value) peut être utile pour évaluer le pronostic initial de la maladie et sert de référence pour l’évaluation de la réponse au traitement.

Indications

Les indications actuelles de la TEP au 18F-FDG en pathologie cancéreuse sont consultables dans les « Recommandations de bonne pratique clinique pour l’utilisation de la TEP en cancérologie » proposées par la Société française de médecine nucléaire (SFMN) en 2018 sous le label HAS-INCa, disponibles en ligne (https://www.sfmn.org/).

Quelle que soit l’indication, les performances diagnostiques de l’examen sont améliorées en cas d’injection de produit de contraste iodé de l’examen TDM couplé.

Bilan d’extension

La TEP au 18F-FDG est recommandée dans le bilan d’extension des carcinomes épidermoïdes de stades avancés III, IV (T3-4, N1-3) pour rechercher des métastases à distance et peut être proposée, quel que soit le stade, pour la recherche d’une localisation synchrone (figure 24.15), en particulier pulmonaire et œsophagienne (facteurs de risque communs).

Figure 24.15 Bilan d'extension d'un carcinome épidermoïde du laryngopharynx droit. Images TEP au 18F-FDG en reconstruction MIP (A) et fusionnées au TDM en coupes axiales (B en fenêtre tissus mous et D en fenêtre pulmonaire) et sagittales (C en fenêtre tissus mous et E en fenêtre pulmonaire). Hyperfixation très intense (SUVmax = 12,6) d'une lésion comblant le laryngopharynx droit et s'étendant localement à l'oropharynx sur 7 cm de hauteur (flèches rouges). Absence d'adénomégalies hyperfixantes associées suspectes. Hyperfixation intense (SUVmax = 9,4) d'un nodule pulmonaire centimétrique unique du segment apical du lobe inférieur droit (flèches vertes) sans adénopathie médiastino-hilaire associée. Conclusion : hypermétabolisme pathologique de la tumeur laryngopharyngée droite localement avancée. Absence d'arguments scintigraphiques en faveur d'une extension lymphatique cervicale. Foyer hypermétabolique significatif d'une opacité pulmonaire isolée du segment apical du lobe inférieur droit suggérant en premier lieu une tumeur synchrone.
Figure 24.15
Bilan d’extension d’un carcinome épidermoïde du laryngopharynx droit.
Images TEP au 18F-FDG en reconstruction MIP (A) et fusionnées au TDM en coupes axiales (B en fenêtre tissus mous et D en fenêtre pulmonaire) et sagittales (C en fenêtre tissus mous et E en fenêtre pulmonaire). Hyperfixation très intense (SUVmax = 12,6) d’une lésion comblant le laryngopharynx droit et s’étendant localement à l’oropharynx sur 7 cm de hauteur (flèches rouges). Absence d’adénomégalies hyperfixantes associées suspectes. Hyperfixation intense (SUVmax = 9,4) d’un nodule pulmonaire centimétrique unique du segment apical du lobe inférieur droit (flèches vertes) sans adénopathie médiastino-hilaire associée. Conclusion : hypermétabolisme pathologique de la tumeur laryngopharyngée droite localement avancée. Absence d’arguments scintigraphiques en faveur d’une extension lymphatique cervicale. Foyer hypermétabolique significatif d’une opacité pulmonaire isolée du segment apical du lobe inférieur droit suggérant en premier lieu une tumeur synchrone.

Adénopathie métastatique sans porte d’entrée

La TEP au 18F-FDG est recommandée dans la recherche de tumeur primitive en cas d’adénopathie métastatique cervicale carcinomateuse sans cancer primitif connu (carcinoma of unknown primary [CUP]). Elle doit être réalisée de préférence avant les biopsies pharyngées exploratrices pour éviter le risque de faux positifs par inflammation et permet de détecter la tumeur primitive dans 30 à 50 % des cas selon les études.

Recherche de récidive et évaluation thérapeutique

La TEP au 18F-FDG est recommandée en cas de suspicion clinique de récidive et pour le bilan de stadification d’une récidive avérée.
Elle peut être proposée en fin de traitement pour l’évaluation thérapeutique à la recherche d’une maladie résiduelle avec un délai minimal de 3 mois à respecter.

Elle peut également être proposée dans la surveillance systématique pour la mise en évidence d’une récidive occulte, notamment dans un contexte de mauvais pronostic initial.

La valeur prédictive négative de l’examen est excellente (proche de 100 %) dans toutes ces indications.

Essentiel à retenir

  • La modalité d’imagerie dépend de la structure anatomique étudiée : TDM en première intention pour l’oreille moyenne, TDM et IRM pour l’oreille interne, TDM ou cone beam en première intention pour le massif facial, TDM et, éventuellement, IRM pour les espaces viscéraux du cou.
  • La majorité des atteintes inflammatoires aiguës de la sphère ORL ne requièrent pas d’imagerie, sauf devant une suspicion de complications (abcès, cellulite, complications neuro-ophtalmologiques), notamment dans les localisations anatomiques à risque (ethmoïdite, mastoïdite).
  • La TDM est la modalité de choix en cas de traumatisme du massif facial ou du rocher.
  • En oncologie ORL, l’imagerie morphologique repose en première intention sur la TDM cervicofaciale injectée, complétée par une TDM thoracique. L’IRM est utile dans certaines localisations anatomiques (oropharynx, nasopharynx) ou dans le cadre d’une adénopathie cervicale sans primitif.
  • La TEP au 18F-FDG est recommandée dans le bilan d’extension des carcinomes des VADS pour rechercher des métastases à distance ou une localisation synchrone, dans le cadre d’une adénopathie cervicale métastatique sans porte d’entrée pour la recherche du site primitif ou en cas de récidive tumorale. Elle peut être proposée pour l’évaluation de fin de traitement ou dans la surveillance systématique.

 

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